Revue Cliniques Juridiques > Volume 1 - 2017

La pertinence de l’approche clinique pour enseigner le droit international des droits de la personne

Cet article a initialement été publié au sein de l'ouvrage : Xavier Aurey, Marie-Joëlle Redor-Fichot (dir.), Les Cliniques juridiques, Presses Universitaires de Caen, 2015. Merci aux PUC d'avoir autorisé sa mise en ligne.

Introduction1

Il existe au sein du département des sciences juridiques de l’université du Québec à Montréal une clinique œuvrant dans le domaine du droit international des droits de la personne  : la Clinique internationale de défense des droits humains de l’UQÀM (CIDDHU). Il s’agit d’une activité académique menée par des équipes d’étudiant(e)s sous la supervision directe d’avocats professeurs, dans le cadre de laquelle sont entreprises diverses initiatives de promotion et de protection des droits de la personne de par le monde, en collaboration avec plus d’une vingtaine d’organisations non gouvernementales réparties sur quatre continents2. Première clinique de droit international des droits de la personne en son genre au Québec et, à notre connaissance, dans le monde francophone, cette initiative permet aux étudiant(e)s de s’impliquer directement dans le traitement de dossiers, d’acquérir une expérience pratique de la défense des droits humains et de se familiariser avec les défis méthodologiques et éthiques que ce travail implique3. Cette approche novatrice, alliant la pratique à la théorie, offre une perspective nouvelle et utile à la compréhension des enjeux liés à la protection des droits des personnes, des groupes et des peuples. En faisant participer activement de jeunes adultes aux défis importants et complexes que représente la mondialisation, la CIDDHU contribue à faire de ceux-ci des citoyens plus engagés et informés4.

Lorsque le département des sciences juridiques de l’UQÀM a décidé de fonder une clinique de droit international de défense des droits de la personne au printemps 2005, il s’est avéré nécessaire de procéder à une étude de faisabilité5 et à une analyse exhaustive des initiatives cliniques semblables mises en place dans diverses universités, plus particulièrement au Canada6. Mais, de façon plus importante encore, il convenait de s’interroger sur la pertinence d’adopter la pédagogie clinique pour enseigner le droit international7.

Ce texte propose donc de reprendre brièvement cette réflexion en abordant la place des cliniques de droit international des droits de la personne dans le contexte plus large du phénomène de la mondialisation, tout en discutant de la valeur ajoutée par la pédagogie clinique à l’enseignement du droit international public. Il sera enfin question plus directement de l’apport de cette approche non seulement pour préparer les étudiants à défendre les droits de la personne, mais aussi pour leur permettre de s’interroger plus largement sur l’efficacité du droit pour engendrer des changements sociaux et sur le rôle du juriste dans la société.

L’enseignement clinique du droit international public dans un contexte de mondialisation

La mondialisation, dont certaines facettes se sont manifestées d’une façon plus prononcée ces dernières années, a provoqué l’apparition de nouveaux enjeux et de nouvelles problématiques, mais également de nouvelles normes et de nouveaux acteurs. La communauté internationale n’est plus seulement régie par des États souverains œuvrant en vase clos selon des normes qui ne conviennent qu’à leurs intérêts nationaux ou collectifs.

En effet, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le droit international des droits de la personne occupe une place prépondérante dans les relations internationales. On a assisté à l’élaboration progressive de nouvelles normes de protection des droits humains, à la création d’institutions internationales de promotion et de contrôle du droit international des droits de la personne, à la mise sur pied de moyens novateurs visant à assurer le respect de ces normes par les États et les organisations internationales.

Peu à peu, les organisations non gouvernementales (ONG) et la société civile en général ont occupé une place considérable dans les forums et les institutions, amenant la communauté internationale à créer de nouvelles normes, utilisant les institutions internationales de contrôle et de promotion, tout en veillant scrupuleusement à la mise en œuvre des normes par les États visés. Une panoplie d’ONG ont donc vu le jour, œuvrant à la fois dans la sphère internationale, dans une région ou un groupe de pays ou encore dans un État spécifique ou relativement à une thématique particulière8. La mondialisation a donc amené la société civile et les ONG à occuper une place plus importante dans la communauté internationale et à faire valoir de nouveaux intérêts. Dans le cadre de cette mouvance de l’affirmation de la société civile, diverses cliniques de droit international des droits de la personne sont apparues dans les facultés de droit de plusieurs universités, principalement aux États-Unis9.

Les cliniques juridiques ont joué un rôle important dans de nombreux pays en développement ou en transition démocratique pour mettre en œuvre les normes internationales des droits de la personne au niveau national. En Europe de l’Est, en Afrique ou encore en Amérique latine, elles ont répondu au triple objectif de former des étudiants à la pratique juridique dans le cadre de leur parcours académique, d’étendre l’accès à la justice aux plus démunis, et de participer concrètement à des efforts de démocratisation. Issues d’un projet tourné initialement vers le recours aux droits nationaux pour les plus pauvres, les cliniques jouent désormais un rôle de plus en plus important dans les efforts de mise en œuvre du droit international10.

Bien qu’elle ait intéressé plusieurs institutions11 et commentateurs12, la globalisation des cliniques juridiques est un phénomène peu connu qui a des conséquences de plus en plus importantes sur la mondialisation elle-même, sur les rapports entre ses acteurs, sur ses normes, leur mise en œuvre, etc. En effet, la mondialisation des enjeux des droits de la personne implique la mondialisation des actions de ses acteurs. Les cliniques de défense des droits humains présentent un rare exemple de coopération Nord-Sud et Sud-Sud basée sur le partage des compétences dans des initiatives simultanées (et pas uniquement sur l’apport de financement par exemple) entre des institutions académiques et des ONG. De plus, la diversité de leurs partenaires et de leurs actions inscrit le travail des cliniques dans un cadre multidisciplinaire propre aux problématiques de la mondialisation13.

Il est donc proposé que l’approche clinique de l’enseignement du droit international des droits de la personne constitue un véhicule pédagogique privilégié pour initier les étudiants à cette réalité, permettant à ceux-ci de se familiariser avec les acteurs du droit international mondialisé et ses enjeux, tout en se dotant des connaissances et des compétences dont ils auront besoin dans le cadre de leur future carrière d’internationaliste.

Pour une compréhension pratique du droit mondialisé

Dans le cadre de leurs activités, ces cliniques ont permis aux étudiants de se confronter à certains aspects du droit international mondialisé14. Par exemple, dans le cadre de leurs travaux, plusieurs de ces cliniques ont dû aborder des questions complexes liées à l’apparition de nouveaux acteurs du droit international, tels que les multinationales ou les entreprises transnationales ; elles ont amené les étudiants à se pencher sur l’applicabilité de certaines normes de droit international dans les zones grises de ce droit, dans le cadre de conflits armés internes ou de troubles internes par exemple ; finalement, elles ont poussé les étudiants à résoudre des problèmes juridiques dans des contextes nouveaux (en matière de droits des travailleurs migrants, de liberté d’expression et de révolution des technologies de l’information, de déplacements internes massifs dans le cadre de guerres civiles, etc.).

De plus, ces cliniques ont souvent été appelées à prendre part à des initiatives mondialisées, que ce soit dans le cadre de litiges ou de recours collectifs internationaux. Ce faisant, elles ont dû interagir avec divers partenaires, souvent éloignés (des ONG étrangères ou internationales par exemple), pour appuyer ces organisations, pour entreprendre des actions collectives, pour obtenir des informations, etc. En effet, le travail des cliniques de droit international des droits de la personne implique une forme de travail coopératif souvent appelé à s’exporter au-delà des frontières et des réalités immédiates que rencontrent les étudiants. En plus de donner aux étudiants l’opportunité de mieux comprendre la mondialisation en en faisant l’expérience, nous croyons que l’approche clinique leur permet également de démystifier le droit international.

Démystifier le droit international et le droit international des droits de la personne

Le droit international public régit principalement les rapports entre des États souverains ou entre ceux-ci et des organisations internationales. Les entités qui sont dotées de la personnalité juridique pour agir dans ce régime normatif et institutionnel sont bien éloignées des réalités quotidiennes des étudiants qui peuvent éprouver parfois de la difficulté à concrétiser la « réalité » du droit international public. La création des normes de ce droit ainsi que la mise en œuvre de celles-ci relèvent d’institutions bien souvent distantes et inaccessibles pour les étudiants (secrétariats d’organisations internationales et d’agences spécialisées, conférences internationales de haut niveau, délégations diplomatiques, institutions législatives nationales, etc.).

Cependant, l’arrivée de nouveaux acteurs de la société civile dans ces sphères traditionnellement réservées aux États change la donne. Dans ce contexte, les cliniques de droit international des droits de la personne offrent la possibilité aux étudiants de prendre part à certaines activités liées à la création et la mise en œuvre de normes de droit international public et de contrôle des acteurs internationaux s’y rapportant. Elles permettent par exemple à des étudiants de préparer des positions institutionnelles pour des ONG et même de les présenter dans le cadre des négociations de certaines normes (projets de déclarations ou de conventions internationales) au cours des assemblées plénières d’organisations internationales qui accordent certains espaces à la société civile (ce qui est souvent le cas aujourd’hui, surtout dans le domaine des droits humains, du droit de l’environnement, etc.). De plus, des initiatives semblables sont mises en place dans le cadre de représentations faites devant les instances nationales chargées de la mise en œuvre des normes internationales adoptées par les États. Les cliniques de droit international des droits de la personne rapprochent donc le droit international public des étudiants pour en faire un régime plus réel et plus accessible.

Le droit international des droits de la personne, pour sa part, régit non seulement les rapports entre les États, et entre ceux-ci et les organisations internationales, relativement à un domaine précis – les droits humains –, mais également les rapports entre les États et les personnes physiques relevant de leur juridiction. Par ailleurs, en raison des mécanismes de contrôle que ces normes mettent en place pour assurer un respect effectif des garanties prévues, ce régime autorise les personnes physiques et les associations à utiliser directement les normes et à saisir des instances internationales pour contraindre les États à respecter les garanties visées, ou du moins à fournir des explications quant aux mesures employées pour en assurer une mise en œuvre maximale.

Dans ce contexte, les cliniques de droit international des droits de la personne représentent souvent des personnes physiques devant ces instances, ce qui impose aux étudiants d’avoir à préparer une stratégie de litige, des arguments, et souvent de les présenter dans un contexte concret. Ce type d’activité d’application ou d’utilisation pratique des normes internationales et des procédures, mécanismes et institutions de contrôle du droit international des droits de la personne serait autrement difficilement accessible pour des jeunes juristes qui étudient ou qui ne s’impliquent pas dans des ONG œuvrant dans ce domaine.

Une nouvelle façon d’apprendre à utiliser le droit international

Ces cliniques offrent aux étudiants intéressés la possibilité d’apprendre le droit international des droits de la personne d’une nouvelle façon : par l’entremise de cours pratiques, d’une formation ciblée et appliquée qui font participer les étudiants directement à l’instruction de dossiers véritables dans le cadre d’initiatives variées : litige, représentation, recherche et établissement des faits, appui institutionnel et stratégique, de nature politique ou communicationnelle.

En effet, l’évolution des relations internationales due à la mondialisation et aux changements décrits plus haut a modifié les méthodes de travail de l’internationaliste. Le juriste, le militant, l’intellectuel, se doivent désormais de développer de nouvelles stratégies et de faire appel à diverses méthodes – certaines juridiques, d’autres non – pour atteindre leurs objectifs. Les cliniques ont donc su former une nouvelle génération de juristes adaptée aux enjeux de la mondialisation, aux techniques, compétences et responsabilités nouvelles amenées par ce phénomène15.

Dans certains cas, il sera nécessaire de faire une recherche juridique poussée, d’établir les faits à partir d’informations publiques, de témoignages ou en effectuant une visite in loco, pour enfin présenter un rapport à une organisation internationale, de plaider une affaire individuelle suivant une procédure contentieuse, d’avoir recours à des modes alternatifs de résolution de conflits (comme la négociation ou la médiation), ou même de faire appel à la sympathie du grand public et, pour ce faire, de préparer des interventions communicationnelles.

Les cliniques permettent donc aux étudiants de se familiariser avec ces autres façons de faire respecter le droit. De plus, elles préparent le juriste à la diversité des autres tâches qu’il pourrait avoir à accomplir en tant que conseiller juridique d’une ONG ou d’une organisation internationale. Ces tâches peuvent être fournir des avis ou des conseils relativement à des développements législatifs (legislative advocacy), prendre part à des activités de vulgarisation du droit, établir des stratégies de développement institutionnel, etc. Ainsi, les étudiants sont amenés à se familiariser avec les réalités organisationnelles du travail engagé, avec celles que vivent les partenaires sur le terrain, ou avec le fonctionnement de petites organisations aux moyens limités et aux défis illimités.

L’approche clinique pour porter un regard critique sur le droit international

Enfin, les cliniques permettent non seulement à l’étudiant d’utiliser de façon créative les normes de droit international des droits de la personne, mais l’obligent également à porter un regard critique sur le régime international de protection des droits de la personne lui-même16.

En effet, l’efficacité de ce régime spécifique du droit international public est toute relative puisqu’il arrive souvent que les États visés ne respectent pas les garanties que ces normes procurent ou bien les décisions des instances de contrôle de ces normes. Cela est dû à de très nombreux facteurs, mais plus particulièrement au fait que l’applicabilité des normes de droit international des droits de la personne n’est souvent pas assujettie au principe de la réciprocité. Par ailleurs, puisque les États ne se soumettent au droit international bien souvent que lorsqu’ils y sont contraints, et qu’en matière de droit international des droits de la personne, les principaux intéressés, c’est-à-dire les bénéficiaires de ces garanties, sont des personnes physiques avec un poids politique souvent mineur, les États négligent malheureusement de respecter ces normes et les décisions judiciaires ou quasi judiciaires s’y rapportant.

Certains étudiants resteront sceptiques quant à l’applicabilité réelle de ce régime normatif au-delà des déclarations de principes et des obligations morales plus que juridiques. D’autres ne se soucieront pas de l’efficacité de ces normes lors de leurs études, mais, s’ils sont un jour appelés à s’en servir dans le cadre de leur pratique, ils réaliseront l’applicabilité et l’efficacité très relatives de ce régime.

Cette réalité devrait être centrale dans les travaux des cliniques de droit international des droits de la personne et des professeurs qui y œuvrent :

Certes, le droit international des Droits de l’homme est parfois difficile à mettre en œuvre et facilement ignoré, principalement en raison de son caractère consensuel et de sa nature évolutive. Ce champ embrasse de multiples discours qui sont eux-mêmes incorporés dans les instruments de droit international. Les droits peuvent être conçus en des termes négatifs (une injonction contre l’ingérence de l’État), positifs (les obligations positives des États de « respecter, protéger, et mettre en œuvre » leurs obligations conventionnelles), ou mixtes. Les Droits de l’homme peuvent être vus comme universels ou culturellement relatifs. De plus, le droit des Droits de l’homme n’est pas « pratiqué » de manière conventionnelle, amenant les universitaires à ne pas vouloir considérer cette pratique comme une priorité, ou comme une offre d’enseignement clinique légitime. Ceux qui enseignent le droit international des Droits de l’homme doivent se réconcilier avec cette question et les autres dilemmes – non pas pour les résoudre à la place des étudiants, mais pour les présenter comme une partie intégrante de leur champ d’étude. Pour cette raison, la pratique des Droits de l’homme déborde d’opportunités pédagogiques17.

Ainsi, les activités cliniques obligent les étudiants à trouver les meilleurs moyens pour faire respecter les normes ou décisions internationales pertinentes, dans le meilleur intérêt des partenaires avec lesquels ils travaillent. Cela peut les amener à avoir recours à des méthodes distinctes de celles apprises traditionnellement en classe, adaptées aux régions et États ou situations particulières, à aller au-delà du litige traditionnel et à jongler avec une réalité plus politisée et plus médiatisée18. D. Hurwitz précise :

La nature dynamique et en développement de ce domaine du droit fait qu’il est particulièrement bien adapté à l’apprentissage pratique. En outre, il est utile pour les étudiants de voir comment les normes internationales des Droits de l’homme sont, dans les faits, appliquées et respectées dans les divers ordres nationaux, régionaux et internationaux. En effet, l’un des aspects qui distinguent l’approche clinique des Droits de l’homme des cours magistraux ou séminaires classiques est justement cette possibilité pour les étudiants de participer à « rendre les droits réels » – découvrir l’utilité des normes telles qu’appliquées à des situations du monde réel19.

Mais l’étudiant clinicien doit faire plus. Il doit non seulement maîtriser les normes, les mécanismes, les institutions, être créatif dans la façon d’en faire usage, mais il se doit également de critiquer et de questionner constamment le système international de protection des droits humains et d’évaluer comment contribuer à son amélioration. Hurwitz traduit cela à travers l’idée de l’ambivalent advocacy ou « plaidoyer ambivalent », à savoir « le fait d’être engagé dans un processus, mais en ayant toujours une réflexion critique sur son contexte et ses conséquences »20.

Conclusion : l’approche clinique pour mieux comprendre le rôle du juriste dans la société

Finalement, l’une des contributions les plus significatives des cliniques de droit international des droits de la personne à la formation des étudiants et futurs juristes est qu’elles leur inculquent l’importance, voire la nécessité de servir et de contribuer à la justice sociale. Le droit international des droits de la personne se base en partie sur un système de principes et valeurs qui visent à améliorer le sort des personnes et groupes vulnérables. Les cliniques offrent donc un cadre privilégié pour que les étudiants se servent de ces normes et cherchent à en maximiser le respect. En permettant aux étudiants de se confronter à la réalité et aux difficultés des autres (par un contact avec les victimes et les ONG partenaires) et en les responsabilisant, les cliniques les obligent à saisir la réalité des violations des droits humains, l’importance d’y remédier et la responsabilité qu’ont les juristes à ce sujet :

Le droit international des Droits de l’homme est un domaine du droit fondamentalement axé sur les valeurs, et étudier et travailler sur les Droits de l’homme peut stimuler le sens de la justice des étudiants. Comment les facultés de droit peuvent-elles ainsi enseigner cette pratique du droit international des Droits de l’homme d’une manière qui maximise le processus par lequel les élèves intègrent ces valeurs ? Une pédagogie de la justice sociale doit faire comprendre aux nouveaux juristes la nature systémique de la plupart des persécutions. À cette fin, la pratique juridique des Droits de l’homme exige un engagement actif. Les juristes devraient chercher non seulement à observer et comprendre le processus juridique transnational et le rôle des normes internationales des Droits de l’homme, mais également à les influencer. La pratique juridique des Droits de l’homme, tout comme le plaidoyer en faveur de la justice sociale, exigent également de l’empathie. Typiquement, cela implique d’être en mesure de voir le système juridique à travers les yeux du client, ce qui peut signifier devoir traverser un large gouffre métaphorique, culturel et géographique. Bien que ce type de plaidoyer suppose une sorte d’altruisme, il y a dans le même temps une « altérité » inévitable à l’entreprise. […] La pratique empathique du droit est fondamentalement engagée et nécessite une capacité à surmonter ses propres besoins et les limites de sa perspective pour découvrir le monde comme les autres le font. Plus que de la curiosité intellectuelle, la pratique empathique du droit exige une identification compatissante et la connaissance des expériences des autres21.

Ainsi, les cliniques permettent aux étudiants de tirer satisfaction d’un travail accompli au profit des personnes dans le besoin. L’enseignement dépasse alors la formation strictement académique et constitue, pour les étudiants, une leçon de vie et de civisme22.

Notes

  1. L’auteur désire remercier madame Anaïs Brasier pour son appui à la préparation de ce texte.
  2. Voir, à ce sujet, B. Duhaime, « Clinical Education and International Human Rights Law : Retrospective on UQAM’s Pedagogical Methodology », Proceedings of the 104th Annual Meeting of the American Society of International Law, 2011, p. 88-93.
  3. Pour une discussion approfondie portant sur la méthodologie pédagogique employée dans le cadre de la CIDDHU, voir B. Duhaime, « L’approche clinique de l’enseignement du droit international des droits de la personne », in L’enseignement clinique du droit. Expériences croisées et perspective pratique (actes du colloque à l’université du Luxembourg, juin 2013), É. Poillot (dir.), Bruxelles, Larcier (Collection de la faculté de droit, d’économie et de finance de l’université du Luxembourg), 2014, p. 97-114.
  4. Voir notamment CIDDHU, « Présentation », http://www.ciddhu.uqam.ca/documents/Presentation_CIDDHU.pdf. Voir aussi É. Corriveau, « À l’université – La coopération, ça s’apprend ! », Le devoir, 3 novembre 2012, p. G3, disponible en ligne : http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/363054/a-l-universite-la-cooperation-ca-s-apprend ; « Le monde est une salle de classe pour les étudiants en droit international de l’UQÀM », Étudier au Québec. Journal de la CREPUQ, octobre 2008, www.ciddhu.uqam.ca/documents/Site%20web%202/Le%20monde%20est%20une%20salle%20de%20classe.pdf ; A. Richer, « La personnalité de la semaine : Bernard Duhaime », La presse, 27 août 2006, p. 8, http://www.uqam.ca/nouvelles/2006/06-234.htm ; M.-C. Bourdon, « À l’école des droits humains », L’UQÀM, le journal de l’université du Québec à Montréal, vol. 32, no 15, 18 avril 2005, p. 3, disponible en ligne : http://www.uqam.ca/nouvelles/2006/06-234.pdf.
  5. B. Duhaime, « Projet de clinique de droit international des droits de la personne », rapport de recherche, Montréal, Faculté de science politique, Département des sciences juridiques, Université du Québec, 2005.
  6. Voir, à ce sujet, B. Duhaime, « Experiencias clínicas en Canadá y la defensa mundializada de los derechos humanos », Anales de Derecho, no 25, 2007, p. 395, disponible en ligne : http://revistas.um.es/analesderecho/article/view/64521/62191.
  7. Voir principalement CIDDHU et Centre d’études sur le droit international et la mondialisation, L’enseignement clinique pour consolider la protection des droits humains (actes du colloque de Montréal, 2006), B. Broomhall, B. Duhaime, C. Hilling (dir.), http://www.er.uqam.ca/nobel/ieim/IMG/pdf/rapports-panels-clinique.pdf.
  8. Voir D. Hurwitz, « Lawyering for Justice and the Inevitability of International Human Rights Clinics », Yale Journal of International Law, vol. 28, 2003, p. 505-550 (505-516).
  9. À propos de l’histoire des cliniques universitaires de défense des droits humains, voir B. Duhaime, I. Zarifis, « Using Public Interest Litigation & Advocacy as a Tool for Social Change : Clinical Experiences in the Americas & in Africa », African Journal of Clinical Legal Education and Access to Justice, 2014, p. 248. Voir aussi D. Hurwitz, « Lawyering for Justice… » ; A. Carrillo, « Bringing International Law Home : the Innovative Role of Human Rights Clinics in the Transnational Legal Process », Columbia Human Rights Law Review, vol. 35, 2004, p. 527.
  10. Voir, à ce sujet, L’enseignement clinique pour consolider…
  11. Voir, entre autres, Public Interest Law Initiative, Pursuing the Public Interest. A Handbook for Legal Professionals, New York, Columbia University Law School, 2001. L’American Bar Association poursuit actuellement une étude à ce sujet et a préparé un rapport préliminaire, Results of ABA Survey Regarding Internationalization at United States Law Schools, dont il est question dans D. Hurwitz, « Lawyering for Justice… », p. 505 ; A. Carrillo, « Bringing International Law Home… ».
  12. D. Hurwitz, « Lawyering for Justice… » ; A. Carrillo, « Bringing International Law Home… » ; C. Grossman, « Building the World Community : Challenges to Legal Education and the WCL Experience », American University International Law Review, vol. 17, 2011, p. 815 ; R. J. Wilson, « Using International Human Rights Law and Machinery in Defending Borderless Crime Cases », Fordham International Law Journal, vol. 20, 1996, p. 1606 ; M. M. Barry, J. C. Dubin, P. A. Joy, « Clinical Education for this Millennium. The Third Wave », Clinical Law Review, vol. 7-1, automne 2000, p. 1 ; « Special Feature : the State of International Legal Education in the United States », Harvard International Law Journal, vol. 29, 1988, p. 239.
  13. Voir L’enseignement clinique pour consolider…
  14. Voir D. Hurwitz, « Lawyering for Justice… » ; A. Carrillo, « Bringing International Law Home… », p. 528 sq.
  15. Voir, à ce sujet, D. Hurwitz, « Lawyering for Justice… », p. 507, 514 sq.
  16. « [T]he unmistakable value of clinical human rights work stems partly from its leading students to experience the dilemmas in and sheer obstacles to the realization of human rights norms » ; H. J. Steiner, « The University’s Critical Role in the Human Rights Movement », Harvard Human Rights Journal, vol. 15, 2002, p. 326, cité par D. Hurwitz, « Lawyering for Justice… », p. 528.
  17. H. J. Steiner, « The University’s Critical Role… », p. 539.
  18. Ibid., p. 533-534.
  19. Ibid., p. 528.
  20. Ibid., p. 538.
  21. Ibid., p. 522.
  22. Voir, entre autres, Public Interest Law Initiative, Pursuing the Public Interest…, p. 267 sq.