C’est un 29 juin 2022 que la faculté de droit de l’Université Jean Moulin Lyon III et l’école des avocats Rhône Alpes, partenaires à l’origine d’une clinique juridique généraliste, ont eu l’honneur d’être les hôtes d’un colloque du réseau des cliniques juridiques francophones. Le thème choisi s’inscrit et prolonge les réflexions menées à Lyon sur la place et la vocation des clinique juridiques dans l’Université et dans la cité.
Loin d’être uniquement le prétexte pour entretenir et développer les relations entre les cliniques membres du réseau, ce colloque pose la question déterminante des objectifs assignés à ces structures. Car la critique cosmétique les guette, dans nos établissements comme d’un point de vue extérieur. L’objectif est généralement double : la formation des étudiants et le service juridique offert à la société. Les réflexions doivent alors portés sur les meilleurs moyens de les mettre en œuvre. Et elles ne manquent pas d’être protéiformes, comme nous nous proposons de l’esquisser.
La formation et la vocation sociale se conjuguent aisément. Les termes n’en sont pas moins arrêtés de façon définitive. En matière de formation, le colloque a révélé la diversité des démarches pédagogiques expérimentales, ce qui rend d’autant plus nécessaire l’existence du réseau et des échanges qu’il nourrit. La culture juridique, quoi qu’on en dise, joue un rôle tout aussi déterminant à cet égard que la culture universitaire. Modifier cet état des choses nécessite une implication de l’ensemble des parties en présence (responsables des cliniques, intervenants, référents, étudiants, élèves avocats, etc.). Les cliniques juridiques ont-elles leur place dans le cursus universitaire ou bien au sein de écoles d’avocats ? Ou bien, ne doivent-elles pas être des objets communs aux l’université et écoles professionnelles comme autant de ponts pour les usagers qu’elles ont successivement en partage ? Au-delà des structures d’accueil, l’intégration dans un cursus de formation concentre les difficultés. Les enseignements doivent-ils alors se concentrer sur l’acquisition de compétence, se focaliser sur la pratique clinique et les méthodes de travail, pour mieux se conjuguer aux formules traditionnelles des cours magistraux, mais alors comment les articuler avec les travaux dirigés. Dans l’affirmative, la tension qui existe sur ces filières ne manquera pas d’interroger la faisabilité de tels enseignements pour des effectifs quasi-pléthoriques. Et comment évaluer l’acquisition des compétences ainsi acquises ? Ne faudrait-il pas inventer les travaux pratiques dans les disciplines juridiques comme un complément de nos formations, directement construits à partir des réflexions sur l’enseignement clinique et nourris par les cas passés et présents soumis à la clinique ?
Quant à la vocation sociale des cliniques juridiques, le constat est indéniable. Il existe une diversité des modes d’action. Ils oscillent entre la neutre contribution à l’accès au droit, comme un complément aux dispositifs publics et associatifs existants, et une vocation militante qui donne aux cliniciens la mission d’user du droit pour mieux le transformer. La façon dont les cliniciens se portent à la rencontre de leur public est également variable. L’ensemble fait l’objet de choix pour lesquels les gains pédagogiques et sociaux sont encore difficiles à mesurer.
Demeure une question encore laissée de côté dans les pratiques cliniques juridiques francophones, celle de la recherche. Non pas sur les cliniques, le colloque dont les actes suivent montre bien qu’elle existe. La recherche au moyen de la clinique. Parce qu’elles sont conçues pour confronter les étudiants au terrain, elles pourraient également se faire le vecteur d’une remontée d’information du terrain par l’intermédiaire des cliniciens. Au contact de publics vulnérables, que la réalité de leurs conditions éloigne des prétoires et parfois des dispositifs d’accès au droit, les étudiants sont en mesure de mener des enquêtes à même de révéler et de mesurer les angles morts de l’application du droit, l’ineffectivité de certaines règles ou encore leur effet pervers. Autant de questions qu’une recherche juridique traditionnelle, que l’on qualifie parfois de descendante, ne permet pas toujours d’identifier et de traiter.
Autant de perspectives passionnantes sur lesquels ce colloque, et les présents actes, reviennent pour mieux les éclairer et les enrichir. Aux responsables des cliniques juridiques et cliniciens, et plus largement, aux responsables de la formation de nos étudiants d’en tirer les fruits.