La quête du savoir, de la connaissance relevant notamment du domaine scientifique, exige des chercheurs et scientifiques le recours à des démarches méthodologiques utiles à cette fin. Par ailleurs, dans cette recherche du savoir empreint de démarches méthodologiques protéiformes, se tiraille subjectivité et objectivité du chercheur, une ambivalence endogène à celui-ci, de laquelle va subséquemment se définir les résultats de la recherche, dont le but est de produire du savoir et de la connaissance scientifiques.
L’on comprend donc que la question de la scientificité des disciplines scientifiques tendant à produire du savoir et de la connaissance scientifiques est tributaire de l’existence préalable d’une ou des démarches méthodologiques que se seraient doté lesdites disciplines permettant l’aboutissement des recherches scientifiques à des résultats exacts, à défauts plus ou moins exacts ou si l’on veut, loin d’être erronés.
A cette étape, il convient de souligner avec pertinence que l’obligation de résultat qui est imposée au chercheur dans sa quête du savoir et de production de connaissances scientifiques va différer selon qu’il relève de l’une ou de l’autre des deux grandes familles de sciences. Comprenons par-là, que du domaine des sciences de la nature dites aussi exactes, se pose le principe de l’exactitude des résultats ; tandis que pour les sciences humaines dites aussi sociales, se définit le principe de la proportionnalité des résultats.
Toutefois, même si le principe de la proportionnalité des résultats décharge le chercheur en sciences sociales du fardeau qu’est l’exactitude, ce n’est pas pour autant qu’il lui est imputé l’obligation de faire de la rigueur scientifique sienne en vue de l’atteinte de cette fin. C’est alors qu’il devient important, voire sine qua non, pour le chercheur d’inscrire ses recherches dans une des nombreuses démarches méthodologiques des sciences sociales.
Si toutes les démarches méthodologiques des sciences sociales sont promptes à rapprocher le chercheur du vrai résultat ou de toucher celui-ci du doigt, c’est bien celle qui consiste en une « recherche-action » qui se révèle être l’une des démarches méthodologiques les plus efficaces et efficientes en raison de son caractère empirique ; et c’est bien là que le rapprochement se fait très vite entre cette méthode et celle de la recherche clinique en sciences juridiques.
En effet, la recherche clinique en droit résulte de la méthodologie clinique. Cette méthode innovante de l’enseignement du droit est axée sur la pratique et les faits réels et non seulement sur les théories et raisonnements. Outre son aspect pédagogique, cette méthode confère par ailleurs à la recherche scientifique une place prépondérante. Or, cette recherche scientifique tendant à la production de connaissances juridiques est elle aussi empirique et pratique.
C’est alors que l’on s’interroge sur le rapprochement entre les deux méthodes de recherche. S’agit-il là d’un rapprochement nécessaire ou utilitaire ? L’autre pan de la réflexion serait donc de se demander comment mettre en contribution la méthode qui consiste en une recherche-action au bénéfice de la méthodologie clinique en droit.
Il convient donc dans un premier temps de s’atteler à la compréhension des deux méthodes (I) avant de mettre en exergue le caractère utilitaire de leur rapprochement (II).
Recherche-action et méthodologie clinique : la compréhension de deux méthodes distinctes
Dès l’entame, il importe de souligner la nécessité de ne pas confondre et assimiler la recherche-action et la méthodologie clinique en droit. Plusieurs éléments permettent de distinguer ces deux concepts, mais le plus important réside dans leur caractère générique ou spécifique. En effet, on l’aura sûrement compris que la recherche-action est une démarche méthodologique générale à laquelle peut faire recours tout chercheur notamment des sciences sociales, peu importe sa discipline scientifique. Par contre, la méthodologie clinique en droit est une démarche propre au seul domaine du droit.
La méthodologie clinique en droit est un moyen d’enseignement parmi tant d’autres du droit. Par ailleurs, elle a l’avantage et le mérite, tout comme la recherche-action, de conjuguer théories et pratiques. C’est une méthode d’enseignement par la pratique. En plus clair, l’étudiant en droit est appelé à apprendre le droit par l’expérience tirée de cas réels, généralement des populations défavorisées ou vulnérables.
D’où la nécessité de s’essayer à comprendre la méthode de la recherche-action (A) et la méthodologie clinique (B) distinctement.
De la recherche-action
On s’accorde généralement à dire que la recherche-action est une approche de recherche rattachée au paradigme du pragmatisme qui part du principe que c’est par l’action que l’on peut générer des connaissances scientifiques utiles pour comprendre et changer la réalité sociale des individus et des systèmes sociaux.1 Cette acception de la recherche-action révèle les débats et controverses quant à la place à accorder à la théorie et à la pratique dans la recherche scientifique.
Recherche et action, ou si l’on veut, recherche par l’action, c’est en cela que réside tout le mérite de la présente démarche scientifique. Une démarche scientifique qui veut que le chercheur allie sa casquette de chercheur à celle d’acteur de terrain lui permettant de se saisir au mieux de la réalité sociale objet de sa recherche. Il est donc appelé à allier des connaissances théoriques à la réalité sociale existante. Pour ce faire, il se doit de pratiquer le terrain. C’est ainsi pour dire que le chercheur se doit d’agir, se démener, entreprendre afin de produire de la connaissance, une connaissance qui ne sera autre que la résultante de la pratique du terrain et le reflet de la réalité sociale existante.
On attribue la paternité de l’utilisation de l’expression « recherche-action » à John COLLIER2 pour ses travaux sur la résolution des problèmes sociaux et ethniques vécus aux États-Unis avec les tribus autochtones lui permettant de constater que lorsque la recherche sociale part d’un besoin d’agir, qu’elle intègre plusieurs disciplines, qu’elle implique les administrateurs publics aussi bien que les personnes qui vivent les problèmes et qu’elle est utilisée dans l’action, elle donne des résultats incomparablement plus productifs et plus véridiques que les études sociales disciplinaires traditionnelles.3 Les travaux de COLLIER aboutissaient à la réflexion selon laquelle : « c’est à partir du besoin d’agir que la connaissance acquiert un pouvoir dynamisant4 ».
Ainsi donc, pour que la recherche-action permette d’aboutir à des résultats plus productifs et plus véridiques que ceux des autres méthodes traditionnelles des sciences sociales, elle se doit d’observer trois (3) principes qui la caractérisent5.
Le premier étant que la recherche-action doit être réalisée avec les gens plutôt que sur les gens. Autrement dit, si dans la recherche conventionnelle, le chercheur adopte une position dominante en se positionnant à l’extérieur, voire au-dessus du phénomène qu’il veut étudier et en considérant les personnes impliquées comme des sujets relativement passifs qui seront soumis à divers traitements ou tests en fonction de l’objet d’investigation, dans une recherche-action par ailleurs, le chercheur est aussi un coacteur qui intervient pour répondre aux besoins et aux préoccupations qu’ils partagent avec les personnes provenant des milieux concernés. Il existe donc là, non pas une situation de domination, mais bien une situation égalitaire ou si l’on veut démocratique.6
Le deuxième principe est celui selon lequel la recherche-action doit trouver son ancrage dans l’action, dans la nécessité d’agir pour changer les choses. Contrairement à la recherche conventionnelle qui ne vise pas forcément à apporter un changement à la réalité sociale existante.
Quant au troisième et dernier principe, il tient au fait que si le processus de recherche traditionnelle emprunte une voie linéaire, la recherche-action quant à elle doit adopter plutôt une démarche cyclique. Autrement dit, dans une recherche traditionnelle hypothético-déductive, le chercheur détermine à l’avance le contour du cadre théorique dans lequel il s’inscrit, il détermine de façon parcimonieuse les variables en cause, puis spécifie les hypothèses et par la suite, il fixe dans un protocole « fermé » d’expérimentation pour confirmer ou infirmer ses hypothèses et répondre à sa question de recherche. Cependant, dans la recherche-action, comme dans la plupart des approches inductives, c’est l’inverse qui se produit. Le protocole n’est pas fixe, mais flexible. Les chercheurs et les acteurs commencent par partager leurs préoccupations sur la situation problématique qui les rassemble (formulation du problème). Ils utilisent leur expertise, leur expérience et leurs cadres de références pour se donner une représentation suffisamment partagée de la situation pour s’engager dans l’action. Ils développent ensemble diverses stratégies pour améliorer la situation (planification) qu’ils expérimentent sur le terrain (action) et, finalement, ils analysent et évaluent de façon critique (réflexion) les actions qui ont été menées et leurs effets sur la situation.
De la méthodologie clinique
Nous le disions tantôt que la méthodologie clinique en droit est un moyen d’enseignement parmi tant d’autres du droit. C’est une méthode qui se veut innovante, mais surtout utilitaire à trois niveaux : d’abord pour l’enseignant, puis pour l’apprenant et enfin et surtout pour la tierce partie dont la situation et sujette d’enseignement. En effet, c’est une méthode qui consiste à l’enseignement du droit par la pratique. Plus clairement, l’étudiant en droit est appelé à apprendre le droit par l’application de ses connaissances théoriques sur de cas réels, généralement des populations défavorisées ou vulnérables ce, sous la supervision d’un enseignant.
Qui dit méthodologie clinique en droit, dit « clinique juridique7 ». Il importe à l’entame de revenir brièvement sur ce concept. D’abord souligner que la paternité du concept de clinique ne revient pas au domaine du droit qui n’a fait qu’emprunter ledit concept au monde médical. En effet, comme nous l’apprend Xavier AUREY, c’est dans les cliniques médicales qu’a été développé l’enseignement clinique qui consiste à l’enseignement de la médecine dispensé au chevet du malade par l’observation et la pratique8. En d’autres termes, il s’agit d’un enseignement qui consiste à l’observation de l’étudiant en situation pratique, entretien structuré, mise en évidence des moyens pour parvenir aux objectifs fixés, développement de la pratique réflexive9. C’est cette méthode d’enseignement que les universités de droit ont réussi à emprunter et à intégrer au travers de cliniques juridiques donnant naissance à une méthodologie d’enseignement du droit fondée sur l’apprentissage par la pratique sur des cas juridiques réels.
L’enseignement clinique en droit
L’enseignement du droit par les cliniques juridiques avait pour vocation de répondre à deux (2) types de besoins : d’un côté, un besoin en matière d’enseignement du droit visant à inscrire la pratique dans les formations ; et de l’autre côté, un besoin lié à un contexte social spécifique et visant à un accès au droit et à la justice pour tous10, en particulier pour ceux qui n’ont pas les moyens de se l’offrir. Il ressort donc que la méthode d’enseignement du droit au sein des cliniques juridiques à travers une méthodologie propre à deux buts : (i) pédagogique en permettant aux apprenants du droit de faire de la pratique du droit, au moyen des activités pratiques qui sont organisées en dehors de l’enseignement théorique ; (ii) social en rendant le droit, les informations juridiques accessibles aux populations défavorisées ou vulnérables.
On l’aura compris, l’enseignement du droit suivant une méthodologie clinique fait intervenir trois (3) acteurs : d’abord l’enseignant qui, bien que visant à développer l’autonomie des apprenants du droit, va jouer un rôle d’encadrement, de rétroaction et de direction en s’éloignant du rôle traditionnel de l’enseignant pour devenir davantage un guide ; ensuite l’apprenant ou l’étudiant pour qui, il ne s’agit plus de se contenter de connaissances théoriques qu’on lui apprend, mais qui est appelé à apprendre par la pratique à confrontant ses connaissances théoriques à un cas réel ; enfin le troisième acteur, le plus important, que l’on pourrait qualifier de bénéficiaire, dans la mesure où l’enseignement clinique va porter sur son cas lequel posant une problématique juridique à laquelle les deux premiers acteurs tenteront d’apporter des solutions.
Toutefois, réduire la méthodologie clinique en droit à sa seule vocation pédagogique et sociale ne saurait être suffisant. Une autre dimension bien plus pertinente n’est plus à occulter. Il s’agit là de la dimension tendant à la production de connaissances et de savoirs scientifiques par l’enseignant et l’étudiant grâce aux cas réels ayant fait l’objet d’étude. Le but étant ici de produire de la connaissance scientifique afin d’apporter des changements à la situation de vulnérabilité des bénéficiaires. On parle donc de recherche clinique.
La recherche clinique en droit
Entendons par cette recherche dite clinique en droit, comme une approche méthodique et systématique visant à étudier des questions juridiques spécifiques en se basant sur des cas réels ou des situations pratiques rencontrées dans la pratique juridique. Ainsi, contrairement à la recherche juridique traditionnelle, qui peut se concentrer sur l’analyse doctrinale ou théorique du droit, la recherche clinique en droit va intégrer des éléments empiriques et des données provenant de la pratique juridique réelle.
La recherche clinique en droit va donc se caractériser par son approche pratique et concrète, se concentrant sur l’étude de questions juridiques réelles rencontrées dans la pratique juridique. Elle s’appuie sur des études de cas et des données empiriques provenant de la pratique juridique, avec pour objectif principal d’améliorer le système juridique dans son ensemble. Cette recherche implique très souvent une collaboration interdisciplinaire et vise à fournir des connaissances pratiques à l’apprenant et des recommandations concrètes aux praticiens du droit et aux décideurs politiques. Elle est également soumise à des normes éthiques strictes et à des protocoles méthodologiques rigoureux pour garantir la validité et la fiabilité des résultats.
Ce dernier élément, la dimension éthique dans la recherche clinique en droit, est crucial pour assurer la protection des participants (bénéficiaires) et l’intégrité des données. Il est essentiel de s’interroger sur la manière de garantir un consentement éclairé, la confidentialité des données et d’éviter tout préjudice potentiel. De plus, il convient de veiller à l’équité dans le recrutement des participants et à la transparence dans la collecte et l’analyse des données. C’est ainsi pour dire que pour le chercheur clinicien, se pose avec acuité un devoir de responsabilité éthique qu’il faille impérativement observer.
Finalement, tout comme la recherche-action qui privilégie la dimension pratique à la dimension théorique, la recherche clinique s’inscrit elle aussi dans une telle démarche. C’est alors le rapprochement entre la méthode de la recherche-action et la méthodologique clinique qui devient utilitaire au sens que l’on va mettre en contribution le premier au service du second.
Le rapprochement de deux méthodes : un rapprochement utilitaire
La compréhension de deux méthodes distinctes, tel était le fondement de la première partie de notre étude. Une compréhension nécessaire dans la mesure où il était important de souligner l’importance de la non-assimilation des deux méthodes objet de la présente étude.
Par ailleurs, dans le processus de différenciation entre la recherche-action et la méthodologie clinique, notamment dans sa dimension recherche scientifique, il en est ressorti que les deux méthodes peuvent avoir des points de convergence ou si l’on veut, de rencontre.
Ces points de convergence se voient d’abord et avant tout en la primauté que les deux méthodes accordent à la pratique dans leur processus scientifique (A). En ce moment-là, la recherche-action mise à contribution au bénéfice de la recherche clinique devient un véritable tremplin pour l’atteinte de résultat plus ou moins exact à défaut de l’être (B).
La prévalence de la praticité
Entre théorie et pratique, à laquelle devra-t-on accorder le plus d’importance dans la quête du savoir ou de la production de connaissances scientifiques ? Tout le débat ou la controverse qui préoccupe tant les chercheurs tient à cette question à l’allure simpliste, mais qui est a contrario tout sauf simple et basique. Toutefois, théorie ou pratique, les deux démarches ont des mérites qu’il ne faut pas occulter quoique le débat quant à la place qu’il faille leur accorder dans la recherche scientifique continue de persister et de diviser les chercheurs et scientifiques.
Longtemps la production de connaissances en sciences sociales a été substantiellement fondée sur des connaissances théoriques. Essentiellement fait de courants, de doctrines, de pensées et autres tirés des réflexions et analyses de chercheurs, ces théories ont guidé, et continuent d’ailleurs de guider, les recherches scientifiques.
Nonobstant leur utilité qui ne saurait être sujet à débat, s’est posée à un moment donné la question de savoir s’il fallait se cantonner aux seules réflexions et analyses des théories de faits qui sont pourtant très réelles, car, faut-il rappeler que le chercheur en sciences sociales a pour mission de traiter les problématiques que posent l’être humain et la société desquels résultent des phénomènes plus que réels et concrets.
C’est ainsi que le besoin de dépasser la théorie en matière de recherche scientifique en sciences sociales va se poser avec pertinence. Il fallait donc pour l’étude de l’être humain et de sa société outrepasser les recherches fondées sur les seules connaissances théoriques pour aller vers de nouvelles manières de production des connaissances, mais cette fois, empreintes de praticité.
La pratique, c’est le fait pour le chercheur d’aller directement à la rencontre de son objet d’étude, de s’en imprégner, de travailler avec lui et non pas sur lui. C’est le seul gage de l’aboutissement à des résultats se rapprochant bien plus du vrai (un résultant reflétant la réalité) que si l’on s’était contenté de connaissances théoriques. C’est dans cette optique que la recherche scientifique par la recherche-action et la recherche clinique s’inscrivent. En effet, ce sont deux méthodes qui accordent la primauté à la recherche pratique quand d’autres méthodes se contentent de connaissances et réflexions théoriques. Avec la recherche pratique, le chercheur ne démarre pas sa démarche scientifique avec des idées de résultats préconçus ; bien au contraire, il découvre ce qu’est le résultat, la vérité.
Cependant, bien que dans la recherche-action et la recherche clinique la pratique demeure prééminente, la théorie y a tout de même une place non négligeable. Autrement dit, même si les deux méthodes, en particulier la recherche-action, remettent directement en question la dissociation que l’on remarque habituellement entre la théorie et la pratique, la théorie supporte ici l’action ou encore émerge de l’action. En d’autres mots, la théorie permet de comprendre et d’agir sur les problèmes réels que l’on rencontre concrètement sur le terrain11.
Si nous avons établi que la recherche-action et la méthodologie clinique connaissent des points de rencontre, se pose encore la question de savoir comment et pourquoi mettre la première au service de la seconde ?
La recherche-action au service de la recherche clinique
La recherche clinique en droit a beaucoup à gagner à s’inspirer et/ou à se servir de la méthodologie de la recherche-action. S’en inspirer ou y avoir recours est d’autant plus aisé en ce sens que les deux méthodes ont en commun la place de choix accordée à la pratique. À défaut de s’en inspirer, la recherche scientifique dans le cadre d’une méthodologie clinique peut intégrer ou recourir à la recherche-action comme démarche de recherche. Le but étant ici d’aboutir à des résultats incomparablement plus productifs et plus proches de la réalité que les études sociales disciplinaires traditionnelles. Pour ce faire, la recherche clinique doit faire sienne, les trois principes fondamentaux de la recherche-action.
Dans un premier temps, la recherche clinique en droit doit être réalisée avec les gens plutôt que sur les gens. C’est ainsi pour dire que si le juriste chercheur a habituellement tendance à s’octroyer une position dominante à travers son positionnement à l’extérieur voire au-dessus du phénomène qu’il veut étudier et en considérant les personnes impliquées comme des sujets relativement passifs ; le clinicien chercheur lui se doit de n’être qu’un simple acteur de sa recherche au même titre que ses étudiants et la ou les personnes sur lesquelles porte la recherche. Car après tout, le but est de répondre aux besoins et préoccupations juridiques des personnes objet de recherche. Ainsi, tout comme la recherche-action, il ne va pas y avoir de situation de domination, mais bien une situation égalitaire ou démocratique.
En deuxième lieu, la recherche clinique en droit, en plus de trouver son ancrage dans l’action, doit davantage trouver celui-ci dans la nécessité d’agir pour changer les choses. En effet, la méthodologie clinique ne doit pas se cantonner au seul enseignement du droit par la pratique, elle doit aussi avoir la prétention d’apporter des solutions juridiques aux problèmes auxquelles peuvent être confrontées des personnes défavorisées et vulnérables. C’est en apportant des solutions juridiques et donc en changeant la situation des personnes concernées qu’elle aura atteint toute sa quintessence.
En dernière position, la recherche clinique se doit de privilégier la démarche cyclique plutôt que celle linéaire. C’est pour dire que le clinicien chercheur ne doit pas à l’avance figer sa recherche dans un contour théorique qui sera immuable et qu’il chercherait obligatoirement à prouver. Il se doit au contraire rester flexible dans la mesure où il ne s’imposer pas un résultat, mais c’est le résultat qui s’imposera à lui. Pour ce faire, il a juste à identifier et formuler sa problématique, puis planifier les actions qu’il entend mener sur le terrain, des actions qu’il mènera par la suite avant de titre ses propres conclusions et résultats.
Conclusion
Distinctes certes, mais avec beaucoup plus de similitudes qu’il n’y paraît. C’est en cela qu’a résidé tout l’intérêt de la présente étude. Distinction mise de côté, on a très vite fait de s’apercevoir que la recherche clinique est dans une certaine mesure de la recherche-action, une recherche essentiellement fondée sur la pratique, sur l’action sur le terrain. Une recherche plus démocratisée et égalitaire et donc horizontale que celle traditionnelle verticaliste.
La recherche scientifique en sciences juridiques a tout intérêt de s’ouvrir davantage à la méthode clinique qui a un double mérite :
- celui de dépasser le cadre conventionnel ou traditionnel de l’enseignement du droit axé sur des cours théoriques et magistraux, en tendant vers un enseignement pratique fondé sur de cas réel posant de vraies problématiques juridiques et auxquelles il tente d’apporter des solutions juridiques ;
- en sus, en enseignant par la pratique tout en apportant des solutions, l’enseignant et l’étudiant aboutissent à des résultats qui reflètent véritablement notre environnement, notre société et les phénomènes qui le composent.
Notes
- Mario Roy, Paul Prevost, « La recherche-action : origines, caractéristiques et implications de son utilisation dans les sciences de la gestion », Recherches qualitatives, vol. 32-2, 2013, p. 129
- John Collier, Commissaire aux affaires indiennes aux Etats-Unis, 1945.
- Mario Roy, Paul Prevost, « La recherche-action : origines, caractéristiques et implications de son utilisation dans les sciences de la gestion », Recherches qualitatives, vol. 32-2, 2013, p. 130
- John Collier, Commissaire aux affaires indiennes aux Etats-Unis, 1945 cité par Mario Roy, Paul Prevost, id.
- Mario Roy, Paul Prevost, id. , p. 1
- Reason, Bradbury, 2008, cité par Mario Roy, Paul Prevost, id. , p.131-132
- La clinique avant de gagner le monde a émergé aux Etats-Unis à la fin XIX et XX siècles. Elle est développée durant la seconde moitié du XIXe siècle et mise en œuvre pour la première fois en 1890, cette méthode vise à remplacer la seule étude formelle de la loi jusque-là en vigueur par une approche dialectique basée sur une discussion autour de cas réels, d’affaires. Elle nous vient du monde anglo-saxon. Aujourd’hui, pratiquement chaque Law School dispose de sa propre Law Clinic, et souvent de plusieurs. Ce concept a au fur et à mesure essaimé dans le monde, dans un premier temps auprès des pays du Commonwealth, puis africains, asiatiques, sud-américains, avant de finalement s’introduire dans quelques bastions de la vieille Europe continentale. Dans l’espace francophone, les cliniques juridiques sont apparues très récemment et n’existent pour l’instant que dans très peu d’universités.
- Xavier Aurey, « Les origines des cliniques juridiques », Cliniques juridiques, vol. 1, 2017, p. 1
- Enseignements cliniques, Réseau de formation des professions de la santé, Berne francophone, p. 1
- Xavier Aurey, « Les origines des cliniques juridiques », Cliniques juridiques, vol. 1, 2017.
- Mario Roy, Paul Prevost, « La recherche-action : origines, caractéristiques et implications de son utilisation dans les sciences de la gestion », Recherches qualitatives, vol. 32-2, 2013.